Musiques colorées des Garifunas du Honduras
Textes, Photographies et Vidéos : Alice Raulo, Honduras, 03/2010
Voyageant de village en village sur la côte Caraïbe du Honduras, j’ai rencontré le peuple Garifuna, dont la culture mêle les traditions africaines, amérindiennes et européennes. Dans chaque village, j’ai été reçue par des musiciens, des danseuses, des leaders communautaires, des shamans, chacun m’offrant à découvrir, à sa manière, la richesse et la complexité du monde Garifuna.
En 1635, deux navires négriers font naufrage au large de l’île de Saint-Vincent, dans les petites Antilles. Les Africains transportés dans les cales du navire s’échappent et rejoignent l’île à la nage. Ils s’installent à Saint-Vincent, où habitaient déjà les Amérindiens Caraïbes et Arawaks. Ils furent ensuite rejoints par des Noirs qui fuyaient les plantations françaises et anglaises. De ces rencontres sont nés les « Garifunas », un peuple connu pour ses redoutables guerriers, et son culte festif des ancêtres.
En 1795, les Garifunas sont transférés de force par les anglais à l’autre extrémité de la mer Caraïbe: destination le Honduras. Les survivants s’installent le long de la côte, où ils fondent des villages de pêcheurs. Les hommes partent en mer, pendant que les femmes travaillent dans les champs et maintiennent vivant le culte des ancêtres. Du Honduras, les Garifunas s’étendront ensuite le long des côtes de l’Amérique Centrale. On compte aujourd’hui approximativement 200 000 Garifunas au Honduras, 10 000 au Belize, 5000 au Guatemala et 4000 au Nicaragua. Au XXe siècle, de nombreux Garifunas ont émigré vers les Etats-Unis, dans l’espoir d’un avenir meilleur à New York ou Chicago.
La musique, la danse et la langue des Garifunas ont été proclammées « Patrimoine Culturel immatériel de l’humanité » par l’UNESCO en 2001. Cette reconnaissance internationale est une fierté pour les Garifunas, très attachés à leur culture. Milton Castillo, Diirecteur du groupe « Nuevo Amanecer » (ci-dessus), lutte pour « Préserver notre culture, afin que personne ne nous en invente une autre ».
La danse, la musique, et les chants sont que de simples expressions artistiques, ce sont des manières d’exprimer le monde. L’art embrasse le quotidien, le chant accompagne la vie tranquille mais dure des villages de pêcheurs. Les artistes que j’ai rencontrés composent au lieu de prendre les armes. Les femmes chantent pour partager leurs souffrances. Les roulements de tambours ouvrent le dialogue cosmique avec les ancêtres.
Les musiques Garifunas sont le reflet d’un métissage culturel unique, où les héritages africains, amérindiens et européens s’entremêlent. Si les tambours et les chants responsoriaux viennent d’Afrique, le jeu des Maracas, de la Conque Marine et les chants sacrés a capella sont Amérindiens. Enfin, la guitare des colons espagnols, et même le « quadrille » dansé en France au XVIIe siècle font partie de la culture Garifuna.
Parmis les nombreuses expressions artistiques Garifuna, on trouve :
– le Mascaro est une danse guerrière masquée où l’homme bondit devant le tambour pour lui dicter le rythme.
– la Punta est dansée pendant les veillées funéraires. Festive et enjouée, la punta célèbre la vie au rythme des hanches des femmes.
– la Parranda, mêle rhythmes des tambours et guitarre espagnole pour chanter la mélancolie ou la douceur de vivre.
– les Choeurs de femmes, d’origine Amérindienne, sont entonnés lorsque celles-ci se réunissent pour travailler dans les champs ou pour se souvenir des ancêtres.
Aujourd’hui, les musiques commerciales venues des Etats-Unis occupent une place croissante dans le paysage sonore. Les anciens sont souvent les derniers à connaître les chants en Garifuna. En voyageant dans les villages, on ressent le choc frontal entre les héritages ancestraux et les musiques étrangères, présageant d’un futur incertain pour les traditions musicales Garifunas.
Le culte des ancêtres, nommé ¨Gubida¨, occupe une part importante de la vie quotidienne. Le shaman, appelé ¨Buyei¨, organise la vie spirituelle, rythmée par des cérémonies d’invocation des ancêtres. Les parents défunts rendent régulièrement visite aux vivants, apparaissant en rêve et demandant qu’on célèbre des fêtes en leur honneur. Lors de ces fêtes, les ancêtres incorporent les vivants pour délivrer leurs messages.
En savoir plus :