Destination privilégiée des esclavagistes négriers jusqu’à l’abolition en 1888, extracteur minier et producteur sucrier ou caféier extensif absorbant une large main d’œuvre, le Brésil a vu de développer une myriade d’expressions culturelles afro-métissées. Certaines ont réussi à se hisser au rang de cultures nationales voire internationales (Samba, Capoeira…), d’autres se sont profondément ancrées dans un tissu identitaire local (Maracatu, Nego fugido…). La diversité des rythmes, coutumes, rites, traditions esthétiques ou emprunts linguistiques illustre parfaitement l’ampleur du phénomène de la traite négrière dans le pays, l’un des derniers au monde à abolir l’esclavage (1888). Entre le XVIe siècle et l’abolition, 3 à 4 millions d’africains sont déportés d’Afrique au Brésil, soit près de 30% du nombre total d’esclaves vendus dans l’ensemble des colonies d’Amérique. Le Brésil a aujourd’hui la deuxième plus grande population afro(descendante) du monde après le Nigeria.
« Les effets de la déportation de ces esclaves sur la formation de la nation, de l’État et de la culture brésilienne ont été immenses », note Maurício Pestana, dessinateur populaire, auteur du Manuel de survie du Noir au Brésil et président du conseil éditorial du magazine Raça, la première revue noire du pays. « Même si cela a été mis sous le boisseau pendant des siècles, l’héritage africain imprègne encore notre pays. Que ce soit dans la musique, la cuisine, les arts, la religion, notamment avec le candomblé (religion syncrétique afro-catholique).
Pour une première approche :
La Samba de Roda est une manifestation festive populaire mêlant musique, danse et poésie. Apparue au dix-septième siècle dans l’État de Bahia, plus précisément aux environs de Recôncavo, elle procède des danses et traditions culturelles des esclaves africains de la région. Elle a également intégré des éléments de la culture lusitanienne, notamment la langue, la poésie et certains instruments de musique.
Initialement composante majeure de la culture populaire régionale des Brésiliens d’origine africaine, la Samba de Roda a été apportée par les migrants à Rio de Janeiro où elle a influencé la samba urbaine, devenue au vingtième siècle le principal marqueur de l’identité nationale brésilienne.
Les origines de cette danse-lutte, toujours interrogées aujourd’hui, sont liées à l’arrivée massive d’esclaves noirs au Brésil à partir de 1537. Les esclaves proviennent essentiellement de 2 groupes linguistiques/culturels : les soudanais et les bantous, lesquels se divisent en centaines de langues locales. Les ethnies les plus représentées sont alors les Angolas, les Cabindas, les Benguelas, les Congos et les Mozambiques.
En Mucope du Sud en Angola existe le N’golo ou danse du Zèbre, un rituel d’initiation d’adolescents de la culture bantoue, qui serait l’origine directe de la capoeira, comme en attestent certains dessins et écrits.
K. Kia Bunseki Fu-Kiau, spécialiste du monde bantu-kongo, propose de son coté que « capoeira » serait un dérivé du mot Kikongo kipura, un terme utilisé pour décrire les mouvements d’un coq durant un combat et signifie aussi flotter, voler d’un endroit à un autre lors d’un combat.
source : www.capoeira-infos.org
La Congada (également appelée Congado ou Congo), est une célébration folklorique religieuse de formation afro-brésilienne, au cours de laquelle sont mises en lumière les traditions historiques et les coutumes d’Angola et du Congo, avec des influences ibériques liées à la religiosité. Selon Câmara Cascudo dans le Dictionnaire du folklore brésilien, la danse rappelle le couronnement du Roi du Congo et de la Reine Ginga d’Angola, avec la présence de la cour et de leurs vassaux.
C’est une manifestation qui réunit des éléments thématiques africains et ibériques, dont la diffusion existe depuis le 17ième siècle.
Différences à travers le Brésil
La Congada est une manifestation présente dans tout le pays, mais elle présente de fortes spécificités locales. Au Pernambouc, on y retrouve des groupes de Maracatu. Dans le Rio Grande do Sul, principalement dans la ville d’Osorio, elle obéit au même système que les congadas du sud-est. Dans le Rio Grande do Norte, les Congo existent depuis un siècle et demi.
Dans la ville de Lapa au Paraná, les Congadas se tiennent le 26 décembre en l’honneur de saint Benoît. A Bahia et Goias, les scénarios particuliers sont élaborés dans la présentation des groupes. A Bahia et au Ceará, la figure féminine de la reine de Ginga n’apparaît pas. Elle est remplacée par l’ambassadeur. Mais c’est dans le sud-est du Brésil, principalement dans les villes minières et de l’intérieur de Sao Paulo, que l’on retrouve la plus grande concentration de groupes de Congadas.
Sources: Revista Raça / Traduit du Portugais par Guy Everard Mbarga
http://guyzoducamer.afrikblog.com/archives/2010/12/06/19804644.html
+ blog brésilien http://cantosdecongoitabira.blogspot.fr/2010/08/historia-da-congada.html
Le Maracatu est un rituel pratiqué dans le Nord-Est du pays, dans l’État du Pernambouc. Il est hérité directement des esclaves africains « importés » au Brésil et retrace l’histoire et les coutumes de la cour du Roi du Kongo.
Le Maracatu se déroule sous la forme d’un défilé de percussionnistes et de danseurs costumés. Le rituel participe aujourd’hui de toutes les fêtes carnavalesques. Coiffés de perruques colorées et brandissant des lances enrubannées, les participants du Maracatu traversent en cortège les champs de canne a sucre, de plantation en plantation. Musiques et danses durent trois jours et trois nuits. Chacun dort où il peut, y compris à la belle étoile.
Les groupes (blocos) de Maracatu sont constitués en nations (nação), les plus connues étant:
- Nação do Leão Coroado (Nation du lion couronné)
- Nação Cambinda Estrela
- Nação Porto Rico
- Nação Pernambuco
Le groupe parade, chacun étant habillé de costumes colorés traditionnels, et accompagne le roi et la reine du défilé, qui symbolisent initialement les descendants des rois et reines d’Afrique, puis les personnes sages et influentes de la société brésilienne. Chaque année, une élection permet de déterminer dans le bloco qui en sera le roi et la reine pour le défilé du carnaval.
Le défilé est précédé d’une escorte portant généralement des bannières et une figure, comme un lion couronné pour Nação do Leão Coroado ou une poupée appelée calunga. Un accessoire également présent est le parasol, aux couleurs de la nação et accompagnant la bannière tout en protégeant le couple royal. Chaque membre de l’escorte a un rôle précis dans la parade, et défile selon des pas chorégraphiés.
xpRYcGGZ_28uMpNx-HRt6cAu rythme des percussions, les métis caboclos évoquent la terre ancestrale d’Afrique. Sous leur crinière de lion en fibres synthétiques et pointant leur lance comme jadis leurs ancêtres, guerriers déportés d’Angola ou du Niger, des danseurs se plaisent à impressionner le public. Autrefois, ils n’hésitaient pas à se battre contre des groupes rivaux, parfois même jusqu’à la mort.
L’orchestre du Maracatu est composé exclusivement de percussions : alfaia, gonguê, caixa, mineiro et abê, et d’un chanteur masculin accompagné d’un chœur féminin. L’orchestre proprement dit se trouve normalement à la fin du cortège. Source : Wikipedia
Le Jongo est une manifestation culturelle afro-brésilienne, du Sud-est du pays (États de Rio de Janeiro, São Paulo, Minas Gerais et Espírito Santo). Y figurent percussions, danse collective et rites magico-religieux, dans une forme de célébration des ancêtres, de consolidation des traditions et d’affirmation identitaire. Il puise son origine dans les rites et mythes africains bantous. Cette manifestation était utilisée par les esclaves pour se moquer de leurs maîtres, organiser des fuites, fêter les naissances des enfants, célébrer les jours sacrés et se défouler.
En savoir plus : Article de Pedro Simonard « Le jongo et la nouvelle performativité afrobrésilienne » (pdf)
Le « Nego Fugido » (littéralement, « nègre enfui », nègre marron) est un événement populaire de théâtre de rue ayant lieu dans la ville de Santo Amaro, dans l’État de Bahia rejouant des luttes de libération des esclaves.
La manifestation a lieu tous les ans depuis le XIXème siècle, portée généralement par les descendants d’esclaves d’origine Nagô.
Documentaire sur la tradition du Nego Fugido
(en portugais)
« Inscrit au Patrimoine Culturel Immatériel Brésilien depuis 2007, le Tambor de Crioula est une forme d’expression d’origine afro-brésilienne mêlant chorégraphies circulaires, chants et battements de tambours.
Le Tambor de Crioula est né et est pratiqué dans l’Etat du Maranhão, une région du Nord-Est du Brésil. Importé et diffusé par les esclaves africains, entre les XVIIIème et XIXème, il prend la forme d’un divertissement, mais également un hommage à Saint Benoit. »
Suite de l’article (en portugais)
Au-delà de cette ébauche de panorama de coutumes afro-descendantes au Brésil, il existe également dans tout le pays de nombreuses religions, syncrétiques, mêlant percussions d’origines africaines, chants responsoriels, chorégraphies circulaires et transes : le Babaçuê, Batuque, Candomblé, Omoloko, Quimbanda, Umbanda…
En savoir plus :
Wikipedia (3 langues disponibles)
Roger Bastide, Structures sociales et religions afro-brésiliennes, 1945
Tina Gudrun Jensen, Discursos sobre as religiões afro-brasileiras – Da desafricanização para a reafricanização (en portugais)