La musique afro-américaine est intimement liée à l’histoire de l’esclavage, officiellement aboli en 1865 aux Etats-Unis, mais maintenue sous différentes formes discriminantes jusqu’aux années 70. Les 20 premiers esclaves africains débarquent à Jamestown, Virgine, le 31 août 1619, A peine 20 ans plus tard, des lois instituant l’esclavage sont promulguées. Leur liberté est bridée, ils sont totalement dépossédés d’eux-même, jusqu’à leurs instruments de musique.
Pour rythmer le travail pénible dans les champs où il était interdit de parler, et pour se donner du cœur à l’ouvrage, les esclaves noirs pratiquaient les Work Songs (chants de travail). Accompagnés du martèlement de leurs outils de travail, ces Work Songs étaient des « Shouts », des phrases courtes et cinglantes, des cris, qui leurs permettaient d’établir une sorte de dialogue entre eux et leurs dieux, entre eux et leurs croyances, mais aussi de s’affirmer, de se faire reconnaître par leurs semblables. Tout leur était interdit, même l’utilisation des instruments comme les tambours ou les flûtes. Le chant était donc tout ce qui restait aux esclaves, avec le langage corporel, pour communiquer. Faite de chansons de travail et de complaintes, la musique afro-américaine représentait donc à ses débuts une forme de résistance aux conditions de l’esclavage et à la menace de déculturation née de la déportation dans le Nouveau Monde. Elle servait également de cadre aux prières collectives et permettait de communiquer clandestinement, notamment pour organiser des évasions. Un grand nombre de chansons étaient structurées selon la formule question-réponse, typique de la musique africaine : un chanteur lançait la mélodie, et les autres reprenaient a capella et en chœur le refrain.
Source: livebluesworld.com
Convertis au christianisme, largement protestant chez les colons, les esclaves africains ont su investir le répertoire liturgique de leurs complaintes et souffrance. Les chants d’église se dansaient et se chantaient avec une ferveur à la hauteur de leur oppression.
Cousin des worksongs et des gospels, le blues était joué et composé pendant les rares moments de loisirs. Ce style, par la suite accompagné de guitares plaintives et de percussions sur des supports improvisés , incarne universellement la souffrance et la nostalgie des exilés, soumis à la tyrannie. Il crie la lutte, la mémoire, la résistance, les amours déchues et ce sentiment si inconsolable d’une époque heureuse révolue. « Blue devils », les diables bleus, hantaient les nuits étoilées des esclaves afro-américains et continuent à ce jour d’enivrer l’humanité de leurs complaintes langoureuses et nasillardes.
Avec l’abolition de l’esclavage apparaissent naissent des musiques de bastringues, joyeuses et dynamiques, reflet de l’état d’esprit des esclaves affranchis :
* le ragtime, musique syncopée et rapide de cabaret
* le jazz, au rythme soutenu et traversé d’improvisations musicales pétillantes. Il deviendra un symbole de la liberté dans les années 40 au lendemain de la guerre, importé en Europe par les G.I. américains.
http://www.universalis.fr/encyclopedie/blues-en-bref/
Puisqu’on nous a privé de la possibilité de parler notre langue quand on nous a amené ici, la musique a longtemps été notre seul langage » – Jackie Mac Lean